La table comme espace de discussion de partage entre convives, apparaît comme l’endroit idéal pour raconter une histoire. Les tables d’hôtes en sont un exemple : à travers un repas au domicile de notre hôte, le visiteur se plonge dans l’ambiance du lieu qu’il découvre : spécialités culinaires, ustensiles, décoration, paysages et acteurs se rassemblent et convergent sur table. C’est une expérience unique de rencontre avec un territoire où tous les éléments du repas, ainsi que son cadre, participent à la compréhension de la richesse du terroir.
Ainsi, en tant que future designeuse, je me suis demandée comment ma pratique et mon regard pourrait permettre une nouvelle version des tables d’hôtes.
En s’inspirant des principes de la table d’hôtes dont je fus familière une longue partie de ma vie, il s’agirait ici de proposer un événement global, ou chacun des éléments possède un sens et trouve sa place dans le quotidien d’un lieu et de ses habitants. Le repas devient alors support de médiation et de discussion car il invite les convives à réagir, à expliquer et comprendre chacune des propositions culinaires, en lien avec le territoire.
Une table d’hôtes du patrimoine, un repas pour comprendre.
Ce projet se définit comme une création culinaire sur mesure destiné à des lieux/ territoires/espaces cherchant à promouvoir leur spécificités, savoir-faire ou richesse culturelle. A l’image d’une table d’hôtes, j’inviterais des visiteurs extérieurs pour partager un moment unique, qui donne à voir et à comprendre certains éléments qui autrement, seraient, sans doute, restés invisibles.
Ce projet offre autant un moment d’échange qu’un espace de découverte, pour parler d’un environnement singulier. Ensemble, les rôles se mélangent et chacun·e·s devient acteur·rice d’une expérience partagée autour d’une même table, autour d’un même repas décomposé en différents temps : instants de médiation et de dégustation.
La raison d’un tel événement est de donner à comprendre la singularité d’un lieu à des personnes qui lui sont extérieures. Le repas élaboré est donc le fruit de recherches, de rencontres et de témoignages récoltés lors de différentes visites sur place. Cela me permettrait de composer une expérience unique ; retraçant enjeux, acteurs et savoir-faire à travers un repas construit comme un moment convivial autour d’une table conçue spécialement pour l’occasion.
Pour ce projet de diplôme j’ai travaillé en collaboration avec Celodev, une entreprise spécialisée dans la recherche et développement d’enzymes pour l’industrie papetière.
L’entreprise Celodev accompagne les industries papetières dans l’optimisation de leurs chaînes de fabrication du papier grâce à l’utilisation d’enzymes, qui permettent de « prémacher » naturellement le travail des machines broyeuses de papier, et par conséquent, de réduire drastiquement la consommation en eau et en énergie. Le repas « Dzumê » plonge les invités dans un univers de poésie scientifique autour de l’enzyme. La table est inspirée des paillasses, support d’expérimentations dans les laboratoires. Le repas quant à lui fut pensé comme un cycle de récupération, reprenant le cycle optimisé des enzymes dans l’industrie papetière. Ainsi, Dzumê est une expérience immersive, prenant place au cœur du quotidien de l’entreprise : la table se tient dans le hangar de stockage, accompagné d’une atmosphère sonore composée à partir des bruits, blops et cliquetis des machines familières au quotidien des employés. En recréant un univers sensoriel, les convives se plongent dans l’ambiance du lieu et le récit peut alors prendre place.
Le repas se décompose en trois temps :
Un premier temps pour découvrir l’enzyme et le travail réalisé dans le laboratoire de recherches. L’entreprise Celodev compose à partir d’un répertoire d’enzymes des formules sur-mesure pour chaque usine papetière. Il est proposé dans cette première partie de composer son assaisonnement sur-mesure à partir d’un répertoire de vinaigrettes.
Un second temps illustre le rôle des enzymes dans le processus de fabrication du papier. L’enzyme est incorporée pendant le broiement de la pâte à papier, elle décompose la pâte, et fournit un raffinage partiel et contrôlé des fibres. Les convives ont goûté un échantillon de papier accompagné de sa pâte à papier comestible. La pâte à papier dégustée est décomposée grâce à des pierres taillées, reprenant la recette ancestrale de la soupe aux cailloux.
Le dernier temps démontre l’impact positif et l’importance de l’enzyme dans l’industrie papetière. Le traitement enzymatique de la pâte permet de réduire la consommation énergétique de la production de papier. Le dessert proposé illustre la récupération d’eau possible en industrie. Le dessert se compose grâce à un échantillonnage de feuilletage, inspiré de celui du laboratoire. Le dessert se compose d’une faisselle réalisée à partir du lait de cuisson de la soupe aux cailloux. Elle est servie avec des feuilletages, un coulis de fruits et des rhubarbes confites pour composer un mille feuilles soi-même.